LE 19 MAI 1940
En mai et juin 1940, le Nord Pas-de-Calais fut l'épicentre de la Seconde Guerre Mondiale. L'Allemagne lance en mai 1940 une grande offensive contre la Belgique, la Hollande et la France. L'armée française se retrouve en quelques jours au bord de la déroute. Dans la grande pagaille de l'exode, les populations fuient l'avancée allemande. Dans le Nord, l'armée française en déroute se retranche derrière l'Escaut.
En ce dimanche après-midi, les sirènes n’ont pas eu le temps de retentir... Arras est bombardée. A partir de 15 heures, 18 bombardiers Dornier lâchent leurs bombes sur le centre-ville. Le quartier de la gare est durement touché. Deux trains bondés de civils sont détruits. Ce raid fait 217 victimes.
A quelques kilomètres d’Hermies, le général Rommel avance vers Cambrai qui est prise presque sans combats. Les civils sur les routes se sauvent de chez eux.
A Hermies ce 19 mai 1940, en fin de matinée, les Fournions sont affairés à charger charrettes et voitures pour quitter le village avant l’arrivée des Allemands. Presque toutes les personnalités de la localité sont déjà parties. Il faut se hâter d’évacuer. Dans la rue d’Havrincourt, la famille Bédu a attelé la remorque au tracteur, les voisins y entassent leurs affaires. Les petites Suzanne et Jeanne Bédu, communément surnommée Jeannette, s’installent en haut de la remorque. Le convoi démarre puis effectue une halte à la hauteur de la maison de Monsieur Desoignies, au 23 de la rue d’Havrincourt.
Soudain, contre toute attente, sur la place d’Hermies quatre chars allemands surgissent et sèment la panique. Ils s’engagent dans la rue d’Havrincourt et font feu avec leurs armes de bord (canons et mitrailleuse) prenant pour cible les habitants qui se trouvent là. Chacun court pour éviter le pire. Le cadre du vélo de ch‘tiot facteur est coupé en deux sous l’effet des balles. Les chars mitraillent la remorque dans laquelle s’est groupée la famille. Quand les balles se taisent, Jean Gernez, le facteur, est retrouvé mort. La petite Jeannette est grièvement blessée, les jambes fracassées par les balles. Le plus jeune fils, Roger, 4 ans, est criblé d’éclats. La fille ainée, Louise, est blessée à la jambe par quelques éclats. Madame Bédu qui tient Roger dans les bras voit sa petite Suzanne, les deux jambes hachées par la mitraille, suspendue par les mains au rebord de la remorque.
Agonisantes, les deux petites filles sont emmenées dans une cave en attendant qu’un médecin puisse intervenir. Jeannette s’écrie « Maman, maman, ne pleure pas ! On nous mettra une jambe de bois ».
Pendant ce temps, une chose révoltante arrive dans la rue. Des pilleurs se mettent à l’ouvrage ! Du chargement de la remorque de la famille Bédu, il ne reste que des affaires trouées par des balles et tâchées des coulées de gasoil.
De passage, un praticien allemand vient expliquer qu’il n’y a rien à faire.
Suzanne, 8 ans, décède à 14 heures. Jeannette, 11 ans, meurt à 16 heures.
Le 22 novembre 1945, dans les conditions prévues par la loi du 28 février 1922, le ministère des anciens combattants et des victimes de guerre permet l’inscription de la mention « Morte pour la France » sur les actes de décès de Jeannette et Suzanne.
Leurs noms, tout comme celui de Jean Gernez, le facteur, sont inscrits sur le monument aux morts de la commune d’Hermies.
Le 23 février 2020, Hermies a commémoré ce drame en dévoilant une plaque au cimetière communale.
Sources : Mairie d’Hermies
Photos des fillettes : Armand Lelièvre