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LE CANAL DU NORD

Autre curiosité à voir sur Hermies et ses environs : le canal du Nord.
 

Long de 95 km, le canal du Nord débute sa course à Arleux dans le Nord, au point de jonction avec le canal de la Sensée sur le canal à grand gabarit reliant Dunkerque et Valenciennes. Il développe son tracé vers le sud pour rejoindre le canal latéral à l’Oise à Pont-L’Evêque dans l’Oise.

 


La genèse du projet (1878 -1908)

En 1878 est lancé par le ministre des Travaux publics Charles de Freycinet un ambitieux programme de travaux publics: le plan Freycinet. Ce plan vise principalement à construire des chemins de fer, mais aussi des canaux et des installations portuaires. Imaginé vingt ans après le plan Freycinet pour promouvoir un gabarit de navigation supérieur au canal de Saint-Quentin, la construction du canal du Nord débute en 1908.

Des sites connexes au chantier principal sont construits dont :   
- des sites logistiques et techniques y compris hangars, haltes, dépôts, gares et ateliers de réparation ;
- des sites et des unités de production de matériaux construits pour le chantier, dont les briqueteries de Havrincourt et Ytres. Les briques servent essentiellement à la construction des écluses, comme le montrent les nombreuses cartes postales d'époque, mais servent également à la construction des maisons de service (maisons éclusières), au cuvelage de la cuvette du canal et des bassins d’épargne, ainsi qu’au voûtement des souterrains. Le tout est maçonné au mortier de chaux, produit également à proximité du chantier ;
- enfin une usine électrique, à Ytres, destinée à l’alimentation des pompes de relevage et à l’éclairage du chantier du souterrain de Ruyaulcourt.

Les moyens humains employés sont considérables et drainent une part importante des ouvriers saisonniers qui désertent alors les champs. De nombreux ouvriers étrangers à la région ou au pays viennent également renforcer la main d’œuvre locale.

En 1909-1910, un mouvement social généralisé éclate sur le chantier du canal. Par suite de sabotages de machines, plusieurs régiments de dragons sont déployés sur place afin de garder les infrastructures et les machines.

Ce mouvement de grève fait la une des journaux régionaux.

Les travaux sont arrêtés dès le début de la Première Guerre mondiale. Le canal est alors construit aux trois quarts : « La cuvette est creusée presque partout, 11 écluses sont pratiquement terminées, ainsi que la plupart des 70 ponts. Le souterrain de Ruyaulcourt est également achevé.

 

La Première Guerre mondiale

Le canal se trouve sur la ligne de front et les destructions sont importantes : les ponts sont soit dynamités par les soldats alliés pour empêcher la progression des troupes ennemis, soit bombardés par l’artillerie afin de couper les lignes d’approvisionnement des Alliés. Les berges maçonnées de la Grande Tranchée d’Havrincourt sont partiellement atteintes, son pont de pierre et son pont ferroviaire détruits. La cuvette du canal sert de « route fortifiée » pour le transit des chars ou pour le déplacement des troupes.

Après-guerre, les difficultés financières du pays ne permettent pas d’achever le chantier et de réparer les dégâts causés par les combats. Le canal est donc laissé à l’abandon malgré la pression locale. Quelques ponts sont toutefois reconstruits comme celui d’Havrincourt.

 

 



Le canal du Nord doit-il être achevé ?

En novembre 1931, une partie des terrassements et des maçonneries est exécutée mais la section la plus difficile n'est pas encore commencée.
M. Soleil, ingénieur en chef de la navigation, à Compiègne, chargé du bureau d'études du canal du Nord, indique que le tunnel de Ruyaulcourt est bien percé de bout en bout, mais que le déblai n'est pas terminé ; que la voûte est terminée, mais qu'elle ne repose que sur des pieds droits en pilotis ; que le radier n'est pas fait, que les deux têtes du souterrain ont été démolies par les Allemands et qu'il est assez difficile de dire pour le moment dans quel état seront les travaux lorsqu'on aura fait écouler les eaux qui les inondent.
En sortant du tunnel, le canal quitte le versant de l'Escaut et entre dans celui de la Somme pour suivre la vallée de la Tortille. Les travaux exécutés avant-guerre ont été très fortement abîmés par les Allemands et l'écluse 9, notamment, qui était terminée, a été anéantie à coups de mines ; cette écluse est restée en l'état depuis lors et ses ruines se dressent comme un des plus beaux monuments à la gloire du vandalisme boche. Rien que le déblaiement coûtera des sommes importantes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Mais si les ministres ont passé, depuis, l'eau, elle, n'a pas passé sous les ponts inutiles du canal resté en panne, entre Douai et Noyon. C’est pourquoi le nouveau ministre des Travaux publiques M. Paganon, est venu, à son tour se rendre compte sur place. De Compiègne à Arleux, il a longé en auto le tracé du canal en se faisant donner des renseignements par les techniciens qui l'accompagnaient.
Les Préfets et les parlementaires des quatre départements intéressés : Aisne, Somme, Pas-de-Calais, Nord, se sont joints à la caravane ministérielle.
Au terme de cette visite détaillée, le ministre ne fait connaître son sentiment personnel. Il déclare qu'il se documente et qu'il s'entoure de tous les avis utiles.
Le ministre parait impressionné par l'ampleur des travaux déjà effectués pour le Canal du Nord et si malencontreusement arrêtés par la guerre. Les élus de la région — et spécialement ceux du Nord qui sont présents — insistent vigoureusement auprès de lui pour réclamer l'achèvement du canal qui, font-ils remarquer, rendrait de grands services pour l'écoulement vers la région parisienne des marchandises pondéreuses et, en particulier, du charbon. Ils font valoir, en outre, que, tant qu'on y est, il serait intéressant d'élargir le gabarit du canal pour y admettre les péniches de 600 tonnes.
Le ministre écoute avec la même impartialité les objections des ingénieurs de ses services — MM. Watier directeur des voies navigables au ministère et Soleil, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées — et les revendications des élus qui traduisent l'opinion des collectivités et des populations riveraines. Les arguments favorables à l'achèvement du canal sont développés devant lui à chacune des stations de cette randonnée à travers les chemins poudreux. En dépit des enseignements que ne manque pas d'apporter un tel voyage d'études, la question, apparemment, reste entière. Mais le ministre répond aux questions plus particulièrement pressantes que lui pose M. le sénateur Hayez, président du groupe interparlementaire des régions libérées.
Le préfet ajoute qu'il est disposé à étudier à fond la question et qu'il désire la résoudre en tenant compte à la fois des intérêts régionaux et des intérêts du pays.

 

Où en est le canal du Nord en juin 1935 ?
Lorsqu’on entreprit, en 1907, la construction d’exécution devaient se répartir sur trois sections.
La première section, d’Arleux, situé sur le canal de la Sensée, à Péronne, s’étendait sur une longueur de 45 kilomètres et comportait 34 ponts, 11 écluses et un tunnel de 4 kms 350.
La deuxième, entre Péronne et Ham, par le canal de la Somme, en activité, devait être longue de 25 kms 400 et comprendre 6 ponts et 3 écluses, et pour la troisième section, de Ham à Noyon, sur un parcours de 24 kms 150, 21 ponts ; 5 écluses et un souterrain de 1 km. 100 étaient prévus. Au total, le canal du Nord s’étendait sur une distance de 94 kms 550 franchis par 61 ponts, coupée par 19 écluses et pourvue de deux passages souterrains.
En 1914, au moment où la guerre a arrêté les travaux, ceux-ci étaient fort avancés et les dépenses s’élevaient déjà à 74.419.585 francs-or. Dans la première section, 17 kms 500 de tranchée, 8 écluses et 26 ponts étaient terminée pendant que le reste de la tranchée, 3 écluses et 6 ponts étaient en cours d’exécution. Dans la deuxième, quelques travaux de terrassement avaient été amorcés, mais aucune écluse n’était commencée et seules les culées du pont de Pargny étaient posées. Enfin, dans la troisième section, 21 kms900 de tranchée, 3 écluses et 18 ponts étaient achevés. Quant aux tunnels, celui de Ruyaulcourt était percé sur 4 kms350 et la voûte complètement terminée, et celui de la Panneterie de 1 km100, entièrement fini, les ouvrages complémentaires même, aqueducs et siphons, étant construits.
Le canal du Nord se trouvant pendant la guerre, en plein centre des hostilités, a subi de nombreux dommages.
Les 44 ponts ont été détruits et sur les 11 écluses achevées, deux ont été complètement anéanties, deux fortement endommagées, les sept autres ne subissant que quelques dégâts. Les têtes du souterrain de la Panneterie ont été démolies et il est à craindre que le tunnel de Ruyaulcourt ait été miné. Quant à la cuvette, si elle a été sérieusement atteinte en de nombreux points, les dommages restent cependant peu importants.
Comment se présente aujourd’hui, au moment où le canal du Nord devient d’une importance capitale, la future voie fluviale qui doit doubler le canal de Saint-Quentin fermé à la navigation du 10 juin au 10 juillet ? Une excursion tout au long de son parcours est fertile en enseignements.
D’Arleux sur la large courbe du canal de la Sensée, le canal du Nord est en eau jusqu’à Marquion et la cuvette, en de nombreux points, pourvue de son revêtement, poursuit son tracé rectiligne sur 45 kms au lieu des 61 kms qu’elle comportait initialement, l’herbe et les plantes aquatiques ayant en effet envahi cette dernière partie qu’un simple nettoyage suffirait souvent à remettre en état. 53 ponts d’une portée moyenne de 30 mètres et d’un tirant d’air de 4 m10 ont été reconstruits et en général, raccordés à la route. A Havrincourt où la tranchée atteint 60 mètres de haut, le pont métallique du chemin de fer présente une portée de 60 mètres.
L’écluse de Campagne, est entièrement neuve et mesure 85 mètres de longueur, 6 m.80 de chute et 6 m.50 de largeur; de plus, sept autres n’auraient besoin que de légères réfections.
L’écluse d’Allaines, que les Allemands ont fait complètement sauter, reste, dans le Nord reconstruit, comme un des derniers vestiges de la guerre, pieusement conservé par nos Travaux Publics.
Si l’on fait exception des écluses à établir sur la Somme, qui ne sont pas indispensables, le canal du Nord ne nécessiterait donc à l’heure actuelle, que cinq écluses nouvelles,
En ce qui concerne les souterrains, notre administration n’a pas eu la curiosité d’étudier la nature des dégâts.
Ainsi, l’entrée du tunnel de Ruyaulcourt qui est une magnifique réalisation d’art, aux accès revêtus sur des centaines de mètres de briques rouges, est presque obstrué par une nappe d’eau d’un vert profond.
Mais quels que soient les dégâts constatés, il n’en reste pas moins vrai que le canal du Nord peut être rapidement achevé, raccordé au canal latéral à l’Oise et au canal de la Somme et mis en eau pour le plus grand bien de l’activité économique du-pays.
C’est ce que réclame énergiquement l’Association des Maires du Nord et de l’Est, groupant les élus de 14 départements et ses animateurs habituels : M.Paul Hayez, sénateur du Nord; président du Groupe interparlementaire, le « père » du canal du Nord, et M. Raoul Evrard, député du Pas-de-Calais, président du groupe de la batellerie.
Les avantages du canal du Nord sont, en effet, multiples. Il double, sans la concurrencer, une voie unique, le canal de Saint-Quentin trop souvent affligé par des embouteillages et mis actuellement en chômage. Il est plus court de 45 kms., de Béthune à Paris, et ne présente que 19 écluses au lieu des 35 qui s’égrènent de Cambrai à Chauny. Il permettrait d’évacuer sur Paris les houilles du Nord dont la production, entravée par la limitation des débouchés, pourrait s'accroître de 6 millions de tonnes par an. Il doublerait également l'activité fluviale de la Voie unique Paris-Nord.
Enfin, un argument de poids : après avoir dépensé 400 millions de francs pour sa construction, doit-on le déclasser, démolir les écluses, araser la tranchée alors que pour le terminer il ne faudrait que 150 à 200 millions de francs, ces derniers travaux procurant, par surcroît, du travail à des milliers de chômeurs ?
Conserver le canal du Nord dans l’état d’abandon où il est en ce moment, c’est démontrer, une fois de plus, notre incapacité de réalisation dans le domaine fécond de l'outillage national.

La Seconde Guerre mondiale

La deuxième guerre mondiale n’entraîne que peu de dégâts cependant elle parachève la destruction de la plupart des tabliers des ponts. Cette fois, ils ne sont pas reconstruits et on remblaie ponctuellement la cuvette du canal pour rétablir les différents axes de circulation, routiers et ferrés. Pendant l’occupation, les Allemands commencent à installer dans le tunnel de Ruyaulcourt une base de V1 (Vergeltungswaffen - Armes de vengeance), armes avec projectiles propulsés à long rayon d’action. Mais la résistance locale et notamment la SICAE de Roisel, lâche des ballons sondes pour causer des pannes électriques sur les câbles alimentant les stations de pompage qui ne peuvent alors plus assécher le canal, ce qui noie le souterrain et le projet des Allemands ! Le tunnel de Ruyaulcourt accueille également un temps des trains de péniches allemandes pour le cantonnement des soldats.

La reprise du projet et son achèvement (1955 – 1965)

Ce n'est qu’en 1955 que l’achèvement des travaux du canal du Nord est décidé.

 « La finalisation du projet canal du Nord est inscrit au IIIe Plan de Modernisation et d’Équipement par la loi-programme du 31 juillet 1959 pour un montant de 255 millions de francs. Son financement sera assuré à hauteur de 140 millions de francs par des péages payés par la profession batelière. Les travaux démarrent en 1960 et c’est le Service de la Navigation Belgique-Paris-Est, représentant l’Administration des Ponts et Chaussées, qui en assure la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre. Pour des raisons économiques, il est décidé de conserver les ouvrages existants et encore en bon état (neuf écluses et deux souterrains), tout en optimisant au maximum le gabarit du canal afin d’accueillir des convois poussés de 700 tonnes. Ainsi, pour augmenter la longueur utile des écluses, les portes aval seront remplacées par des portes levantes.
Le cuvelage et les dimensions des bassins d’épargne sont restructurés. Les sas d'écluse du premier chantier encore en

L'usine électrique d'Ytres, abandonnée pendant la Première Guerre mondiale, est remplacée par une station de ventilation en lien avec le souterrain de Ruyaulcourt. Ce dernier est partiellement restructuré ; les entrées et sorties sont reprises en béton armé, la cuvette de navigation est élargie.

Enfin, la grande tranchée d’Havrincourt est modifiée par une réduction drastique de la longueur de ses berges maçonnées qui ne subsistent alors qu’au droit des ponts. La cuvette maçonnée de cette partie du canal est également adaptée aux nouvelles nécessités.

Le canal du Nord est ouvert à la navigation le 15 novembre 1965 et inauguré par le ministre de l’Équipement le 28 avril 1966.

Dans un proche avenir, le canal du Nord sera déclassé (vers 2028) pour laisser place au Canal-Seine-Nord-Europe.

 

Sources :  VNF - Voies navigables de France 
                 Journal "L'intransigeant"

                 Journal "Le grand écho du Nord de la France"

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En juin 1933, le Ministre des Travaux Publics, M. Paganon, visite les travaux du Canal du Nord arrêtés depuis la guerre. Il promet d'étudier à fond la question de son achèvement.
Voilà plus de cinquante ans qu'ont été commencées les études relatives au Canal du Nord. A la veille de la guerre, les travaux étaient déjà bien avancés le canal était creusé sur plusieurs points de son parcours, des ouvrages d'art importants étaient réalisés. Depuis la guerre, on a tout juste reconstruit les ponts qui le franchissent. Pour le reste, tout a été laissé à l'abandon. Et l'administration des travaux publics continue de se poser la question : reprendra-t-on les travaux de construction du canal ou abandonnera-t-on le projet ?
Les techniciens penchent visiblement pour cette seconde solution. Mais les élus des régions qui seraient desservies par le Canal du Nord ne cessent d'en réclamer l'achèvement.
A plusieurs reprises, on a fait des enquêtes sur place. En octobre 1929, le ministre des Travaux publics, M. Forgeot avait déjà consacré une journée à visiter les lieux et fut d'avis qu'il ne serait pas raisonnable de laisser enfouis en pure perte dans le délabrement actuel, les 300 millions déjà investis.

Photo : Grand Écho du Nord de la France du jeudi 8 juin 1933
à droite, les ingénieurs expliquent à M. Paganon le tracé du canal ;
à gauche, une fillette de Ruyaulcourt offre des fleurs au ministre

en bas : l'entrée du tunnel de Ruyaulcourt qui a été abîmé par les obus.

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