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CRIMES A HERMIES

                                   

                                   Un demi fou meurtrier

 

Les criminels ont toujours été fort rares à Hermies. Au 19ème siècle, un seul assassinat a été commis et encore par un ouvrier inconscient et en partie irresponsable de ses actes. C’était en 1869, un individu assez mal famé, le sieur Couillat arrivé récemment dans la commune qui voulait fréquenter une jeune fille habitant la rue de Demicourt. Le père de cette jeune fille, homme simple et borné que le gens du pays appelaient par dérision Jean Bête refusait de recevoir le Galand chez lui et il lui avait formellement défendu de passer la porte de son jardin. Bien entendu, le prétendant ne tenait nul compte de cette défense et il allait souvent rendre visite à sa future. Le 15 août 1969, vers trois heures de l'après-midi, le sieur Couillat se présenta comme d'habitude chez Jean Bête pour inviter la jeune fille à aller faire une promenade. Le père pris soudain d'une rage folle, saisit une bêche qui se trouvait à sa portée, arriva en tapinois derrière Couillat et lui asséna sur la tête un coup terrible de son arme. Le malheureux, le crane fracturé, tomba comme une masse en poussant des cris de douleur. L'auteur de ces lignes qui passait à ce moment dans la rue fut l'un des premiers témoins de ce drame. Les voisins accoururent, ils relevèrent le blessé, le posèrent sur une chaise dans la cour pour lui donner des soins. Pendant ce temps, l'assassin, dont la blouse était ensanglantée prenait un pot de cirage et mettait du noir pour cacher les taches de sang de sa blouse sans avoir l'air de se douter qu'il venait de commettre un crime. Le blessé fut transporté chez lui par les témoins de drame et il expira le soir même. Le Parquet d'Arras fit une descente sur les lieux et l'autopsie fut pratiquée dans la grange de Louis Duhem rue de Doignies. L'assassin fut arrêté et conduit à la prison d'Аггаs. Il ne passa pas aux assises car il mourut peu après son incarcération.

 

 

                                              Une révolte ouvrière et un incendie criminel

Vers cette époque un crime d'un autre genre dont les auteurs sont restés inconnus a été également commis. En 1871, après la guerre, une sorte de révolte ouvrière fut suivie d'un grand incendie dû à la malveillance. Les ouvriers de ferme étaient sans travail et la misère était grande dans le village. Or un fermier de la rue Neuve eut la malencontreuse idée de se servir d'une batteuse mécanique pour battre sa récolte alors que les ouvriers réclamaient à grands cris du travail et du pain. Une sorte de mouvement révolutionnaire éclata soudainement dans la population ouvrière et une centaine de manifestants se rendirent à la demeure du fermier qui, pris de peur, avait fermé à clef la grande porte de la rue.
Cette porte fut enfoncée et les révoltés pénétrèrent dans la cour. Ils firent cesser le travail et s'attelant à la locomobile, ils la conduisirent sur la place en poussant des cris et des vociférations.
Quelques jours après, les deux granges du fermier qui étaient couvertes de chaume furent détruites par un incendie dû à la malveillance. C'était certainement un acte de vengeance. Mais malgré les enquêtes de la police, les coupables ne furent jamais découverts et le crime resta impuni

                                                L'assassinat d'un garde forestier

Enfin un assassinat d’un autre genre, véritable guet-apens fut commis en 1869, non pas précisément dans le village nais sur les lisières du bois d'Havrincourt, tout près du territoire d'Hermies, ce qui fait que les détails de ce crime peuvent trouver place dans notre récit. Cet assassinat est resté un mystère pendant des longues années et a intrigué toute la région, surtout les villages d'Havrincourt et d'Hermies.

En 1869, deux gardes-chasses du Marquis d'Havrincourt faisaient une ronde de nuit dans une région très giboyeuse de la forêt et fréquentée par deux nombreux braconniers. C'étaient les nommés Godon et Merlu. Le premier était originaire d'Havrincourt et le second d'un village du département de l'Oise.
Ces deux gardes se trouvaient en tournée dans la partie du bois appelée " le Quesnoy ", vaste plateau cultivé entouré d'une couronne de bois. Deux bosquets piquaient de leur tâche verte le plateau couvert de cultures. Les gardes se trouvaient sur la bordure du premier bosquet. Soudain un coup de feu retentit et le garde Godon tomba mortellement blessé. On se trouvait au milieu de la nuit.
Dès le matin, le crime découvert, une perquisition fut faite chez tous ceux qui, à Havrincourt, étaient connus comme braconniers. L'un d'eux, petit cultivateur que l'on savait amateur de ce sport fut interrogé. C'était un nommé Jean Baptiste Duflos.
Avait-il passé la nuit dans le bois ? Ce n'était pas sûr.
Son interrogatoire laissait un point obscur, il ne pouvait donner de façon précise l'emploi de son temps depuis la veille au soir. Il fut arrêté et conduit à Arras. Voilà donc Duflos traversant la ville, les menottes aux mains et encadré de deux gendarmes. A un moment donné, il fit un bond de côté, échappe à ses gardiens et s'enfuit. Malgré la poursuite acharnée dont il est l'objet, il parvient à atteindre les remparts de la ville et trouve le mayen de s'y cacher. Le soir il brise les chaines de ses menottes contre une borne kilométrique, fait à pied et la nuit 25 kilomètres et vient se réfugier dans le bois de Louverval, près de Doignies à sept kilomètres d'Havrincourt. Le lendemain, un détachement de soldats du 3ème régiment du génie d’Arras est mobilisé et envoyé à Havrincourt, où l'on croyait que Duflos s'était réfugié. Des jeunes gens d'Hermies furent requis pour cerner le bois. Ils firent entendre d'énergiques protestations car ils perdaient une journée de travail et n'étaient pas sûrs d'être payés. Les recherches furent vaines. Duflos, toujours caché dans le bois de Louverval, réussit à envoyer une personne sûre à Havrincourt pour prévenir sa famille de son évasion et demander de l'argent.
Quand il eut reçu ce qu'il demandait, il se rendit à Cambrai, chez des amis qui l'aidèrent à se déguiser. Il put ainsi se diriger sur Calais ou Boulogne et il passa en Angleterre. Là, il réussit à s'embaucher comme garçon boulanger et par son travail, mérita la confiance de son patron. Au bout de quelque temps, il révéla à son patron sa véritable identité et affirma son innocence.
Celui-ci le crut et lui conseilla d'écrire en France pour savoir si cette affaire de meurtre avait été éclaircie et si on n'avait pas trouvé le coupable, ce qui le mettrait hors de cause.
Malheureusement, il n'en fut rien et la lettre de Duflos, interceptée par la police secrète révéla le lieu de son refuge. Il fut arrêté et ramené en France. Pendant la traversée, Duflos essaya de se jeter à la mer. Ses gardiens l'empêchèrent de faire le mouvement fatal.
L'affaire fut portée devant la Cour d'assises à St Omer. Duflos fut défendu par Me Lenglet, le futur maire d’Arras, et il fut acquitté, faute de preuves.
En fait, le fusil de Duflos qui aurait dû être l'instrument du crime fut retrouvé suspendu au mur et couvert de poussière, ce qui prouvait qu'il n'avait pas été touché depuis longtemps.
De plus, la balle qui avait tué le garde forestier Godon n'était pas du calibre de l'arme trouvée chez Duflos. Pendant ce temps la vie continuait à Havrincourt. Merlu avait fini par prendre sa retraite de garde-chasse et il avait été nommé chef de gare à Havrincourt en 1876. C'était le début de l'exploitation du chemin de fer de Bapaume à Marcoing. Il avait été nommé à ce poste grâce à la protection du marquis d'Havrincourt qui était Président du conseil d'administration de cette compagnie.
Après quelques années de service au chemin de fer Merlu prit définitivement sa retraite et alla se reposer dans le département de l'0івe, son pays d'origine.
C'est alors que survint un coup de théâtre. A. l'heure de la mort, Merlu, pris de remords, avoua devant témoins que c'était lui qui avait tué son collègue Godon par jalousie.
Godon allait en effet se marier et il devait prendre la place de Merlu comme garde concierge du château. C'était pour se débarrasser d'un rival que Merlu l'avait lâchement assassiné.
Le procès fut révisé et Duflos revint au pays où on lui fit une réception triomphale. Il est d'ailleurs à remarquer que les parents et amis de Godon n'avaient jamais cru à la culpabilité de Duflos, mais on se taisait par prudence comme cela arrive souvent dans les campagnes pour ne pas être interrogé ni ennuyé.

 

                                      Une extraordinaire histoire de gangsters à Hermies

 


 

Le 11 décembre 1938, attaqué chez lui par quatre hommes et une femme, dépouillé de 24.000 francs, un ouvrier agricole est ligoté et enlevé en auto par ses agresseurs.
Après l’avoir transporté dans la Somme, ceux-ci le remettent en liberté. Il n'y a pas qu’à Chicago, New-York et Marseille que les bandits opèrent. Ils ont récemment fort bien travaillé près de Bertincourt, dans un hameau voisin de Hermies, et l’histoire paraîtra fantastique aux amateurs d'émotions fortes.

Voici les faits tels qu’une enquête sur place nous a permis de les établir.

Une agression nocturne à domicile
Dans une petite maison à Demicourt, près de Hermies, vit l’ouvrier Jean-Baptiste Hombert, âgé de 32 ans, marié, père d’un garçon de 7 ans et d’une fillette de 14 mois.
Jean-Baptiste Hombert, bon ouvrier, était cependant connu pour avoir quelques relations avec des fraudeurs de la Somme qui fournissent la région de tabac de contrebande.
Vers 22 h. 10, dimanche 11 décembre, il était couché quand, devant sa modeste demeure, une auto s’arrêta. Cinq individus et une jeune femme descendirent de la voiture. Les hommes enfoncèrent une fenêtre de la chambre à coucher, qui donne sur une pâture, près de l'école des garçons. Au bruit, Hombert se leva, prit son fusil, s’approcha de la fenêtre enfoncée et par trois fois, tira en l’air.
Cette démonstration sembla mettre en fuite les agresseurs. Mais, au moment où Hombert, qui n’entendait plus rien, allait se retirer, les cinq hommes firent irruption dans la pièce, en passant par la fenêtre enfoncée, et se précipitèrent sur l’ouvrier agricole que son épouse était venue rejoindre.

 

Le vol
Les coups commençaient à pleuvoir lorsqu’un des agresseurs renversa un grand bidon de tôle ayant contenu du calcium et qui, placé près de la fenêtre, servait de support à une planche servant de table à toilette.
Ce bidon laissa échapper une boite de cartouches et un sac à main, celui de Mme Hombert, lequel sac contenait pour 24.000 francs de titres et d’argent : toutes les économies du ménage. Mme Hombert essaya de le reprendre, mais elle fut immobilisée par les bandits qui continuèrent à rouer de coups Jean Baptiste Hombert.

L’enlèvement
Après avoir étourdi l’ouvrier agricole, ils le jetèrent violemment dans la voiture avec laquelle ils étaient arrivés et près de laquelle se trouvait la jeune femme qui faisait le guet. Ils s’apprêtaient à partir lorsque Mme Hombert sauta dans l’auto avec ses deux enfants et la voiture démarra dans la direction de Hermies. A 23 h. 30, elle stoppait devant le cinéma de la localité. Les agresseurs firent descendre la femme avec son petit enfant de 14 mois.
Elle croyait que son mari allait descendre, lui aussi, mais il n’en fut rien et l’auto se remit rapidement en marche dans la direction d’Havrincourt. Jean-Baptiste Hombert fut ligoté et on lui mit un cache-nez sur les yeux afin qu’il ne reconnût point la route par laquelle on le conduisait vers une destination inconnue.

«Si on le jetait dans le canal... »
La voiture arriva bientôt au pont d’Havrincourt, lequel couvre le canal du Nord, depuis longtemps sans eau. Mais du plancher du pont au fond du canal, il y a une hauteur de 35 mètres.
La voiture ralentit et Jean-Baptiste Hombert entendit ce dialogue terrifiant :
— Si on le balançait dans le canal ? ...
— Tiens, c’est une idée, rétorqua un autre.
— Non. dit un troisième, cela pourrait nous amener du mauvais.
Et la voiture repartit. On peut juger de l’angoisse de l’ouvrier agricole qui parvint à s'écrier, malgré son bâillon : « Faites de moi tout ce que vous voudrez, mais ramenez mon enfant chez sa mère ».
Les ravisseurs furent ils touchés par cette prière ? L’auto fit demi-tour et ils déposèrent le petit garçon de 7 ans devant la maison paternelle à Demicourt. Puis la voiture repartit de nouveau.

 

Le festin dans la ferme et la séquestration
L’auto pénétra bientôt dans la Somme. Elle s'arrêta au bout d’un certain temps dans la cour d’une ferme.
Les gangsters descendirent. Jean-Baptiste Hombert fut extrait du véhicule et conduit dans une cuisine où on l’assit sur une table ronde et on lui débanda les yeux. Ses ravisseurs mangèrent copieusement devant lui, mais ne lui donnèrent rien à manger; le sac à main aux 24.000 francs fut confié à une femme qui servait. Il était quatre heures du matin lorsque le repas fut fini. Jean-Baptiste Hombert fut à nouveau ligoté, remis dans l’auto, et l’on repartit. Après un court trajet, on arriva à une maison,
dans un village voisin, où on le fit descendre et il fut enfermé jusqu’au matin dans une cave à charbon.
Il faisait grand jour quand une auto arriva avec un des cinq hommes. L’ouvrier agricole y fut placé et la voiture le ramena à Hermies où il fut déposé devant la demeure de son frère, puis la voiture disparut.

 

L’enquête de la gendarmerie
Or, mardi matin, la gendarmerie de Bertincourt était avisée qu’il s’était passé quelque chose d’anormal à Demicourt et qu'on y avait cassé des vitres.
Le chef Lequine et le gendarme Courtecuisse partirent aussitôt en enquête et interrogèrent Hombert, qui leur fit le récit détaillé que nous venons de relater et porta plainte contre ses ravisseurs.
Mais ceux-ci, qui étaient-ils ?
— J'en ai reconnu deux, dit-il. Un nommé T..., fraudeur notoire, interdit de séjour, et un autre, connu sous le nom de « Nénesse ». Ce Nénesse fut vite identifié, il s’agissait en réalité de Ernest Gorguet, âgé de 51 ans, cultivateur à Guyencourt-Saulcourt, canton de Roisel (Somme). Et il a été donné d’apprendre au cours de l’enquête que c’est un fraudeur notoire, déjà condamné par le Tribunal d’Avesnes. Il aurait, paraît il, à la suite d’une expédition de tabac de fraude faite à son nom, encouru une amende de deux millions, pénalité insignifiante pour un fraudeur qui s’arrange toujours pour être incapable de payer.
Hombert et les gendarmes se rendirent chez lui. L’ouvrier agricole reconnut la cuisine et la table ronde sur laquelle il avait été placé pendant que les autres mangeaient. Il reconnut aussi la jeune femme qui accompagnait les ravisseurs et confirma tout ce qu’il avait déjà dit précédemment.
— Je connais bien la cuisine, la table où l’on m’a placé et aussi la fille, Mlle Gilberte.

Et, certes, si les renseignements de Hombert sur sa fantastique aventure ont été reconnus exacts, il est certain qu’il savait fort bien où il avait été conduit, car on a appris que les deux hommes se connaissaient. Mais on sait qu’entre fraudeurs la discrétion est de règle et quoi qu’il arrive on ne sait rien devant la justice.
 

Gorguet nie


 

 

 

 

 

 

 

 

Règlement de comptes entre fraudeurs
La conviction de la justice est faite: il s’agit d’un compte à régler entre fraudeurs, et cela nous remémore certain règlement de compte, il y a deux ans, non loin de là, à Ervillers, sur la route de Bapaume, où l’on trouva un homme tué un beau matin de trois balles de revolver. Les assassins courent encore.
L’affaire d’Hermies commence. Les gendarmes de Bertincourt s’emploient à la faire aboutir et nous croyons savoir que la brigade mobile de Lille suivra aussi cette affaire.
Nous apprenons en dernière heure que ce serait Epehy, localité du canton de Roisel, que J.-B. Hombert aurait été séquestré dans une cave à charbon.

L’arrestation mouvementée de Jean-Baptiste Touchard à Cambrai
Tandis que le Parquet d’Arras faisait incarcérer Gorguet, une seconde arrestation, plus importante peut-être, était effectuée à Cambrai dans des conditions particulièrement dramatiques : celle de Jean-Baptiste Touchard, qui fut mêlé à de retentissantes affaires de fraude et de trafic d’armes.
Il ne fait guère de doute que c’est la participation de Touchard à l’affaire d’Hermies, qui attira l’attention sur sa présence dans la région et amena les autorités douanières et la police à procéder à une perquisition au domicile de sa femme, rue du Comté d’Artois à Cambrai.
Recherché par plusieurs Parquets, dont celui de Montdidier, pour fraude de 2.000 kilos de tabac en avril 1935, à Rosières-en-Santerre dans la Somme, et condamné à deux ans de prison et à une forte amende par jugement rendu contradictoirement devant cette juridiction, frappé d’une peine accessoire de cinq ans d’interdiction de séjour, redevable envers le Trésor de sommes fabuleuses — on parle de 3 à 400.000 francs — J.-B. Touchard avait dû se réfugier en Belgique, puis au Luxembourg, après expulsion.
Il avait, en effet, été pris dans une affaire de contrebande d’armes, avec son fils — affaire à laquelle fut mêlé également le fils du secrétaire général de la C. G. T.. M. Léon Jouhaux. — Il avait eu pendant la guerre une glorieuse conduite en se livrant à l’espionnage pour le compte des alliés. Son père fut même fusillé par les Allemands.
Telle est, brossée à grands traits, la personnalité de Touchard qui, malgré l’interdit dont il était l’objet, revenait de temps à autre à Cambrai. Son arrestation n’en prend que plus de valeur, mais contons 
la sans plus tarder.
 

Une perquisition chez Touchard
Hier, vers 10h30, le capitaine Garnier, du Quesnoy, commandant les groupes mobiles de douanes ; le lieutenant Brand, le sous-brigadier Auffret, et M.Gillet, commissaire de police, se présentaient chez Mme Touchard, rue du Comte-d’Artois, pour effectuer une perquisition.
 

Touchard se sauve ! ...
A peine sa femme avait-elle ouvert la porte, que Touchard, qui se tenait dans la cuisine, reconnaissant les douaniers, disparaissait par le jardin. Toutes dispositions avaient été prises pour parer à cette éventualité et la maison était cernée.
Des hommes se tenaient en embuscade çà et là. C’étaient MM. le brigadier de sûreté Launois ; l’agent Hary ; le brigadier de douanes Deshayes ; les préposés Delzenne, Delsart. Langrand, Léger, Gérominy, Marouzé.
L’alerte fut immédiatement donnée et la chasse à l’homme s’organisa.


...et se jette dans un fossé où il est repêché.
Malgré une légère claudication, Touchard filait rapidement malgré tous les obstacles.
Sur le point d’être rattrapé il souleva un grillage et se jeta dans un fossé plein d’eau. Le préposé Langrand, qui le suivait, se pencha : « Donne ta main », cria-t-il.
Touchard, qui s’enlisait, répondit :
« Non, laissez-moi mourir ! »
Alors, bondissant du toit d’un hangar, le préposé Delzenne franchit un grillage haut de trois mètres et sauta dans le fossé.
Touchard était pris.
Ce fut dans un bel état qu’on le fit monter dans une auto et qu’on le ramena au commissariat de police.


Touchard aurait participé à l’affaire d’Hermies
Comme nous l’indiquions hier, en relatant les multiples épisodes de l’affaire
d’enlèvement d’Hermies, lorsque Hombert fut interrogé par les gendarmes de Bertincourt il désigna deux de ses agresseurs : « Nénesse » et un certain T...
Celui-ci, dont nous n’avions pas donné le nom pour ne pas gêner l’action de la Justice, n’était autre que Touchard, et un mandat d’arrêt avait été lancé contre lui par le Parquet d’Arras.

 

Ecro


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Son incarcération, qui passa inaperçue en raison de l’heure, défraya hier les conversations. C’est que les exploits de Touchard en matière de fraude, de trafic d’armes, comme sa belle conduite pendant la guerre, sont bien connus des habitants de la région et particulièrement de Cambrai. Le « Grand Echo » les relata l'an dernier, à l’occasion de l’affaire de trafic d’armes de Chimay, qui valut à Touchard de côtoyer quelques personnages d’importance.
Depuis, le silence s’était fait autour du trop fameux Cambrésien qui, sa peine purgée en Belgique, reprit ses occupations.
Cambrai l’attirait : il y avait sa femme et aussi des amis dont il ne pouvait se désintéresser. Aussi y venait-il quelque fois en cachette.
Il poussa même l’audace jusqu'à travailler à l’arrachage des betteraves, ces temps derniers, à Hermies où précisément se déroula, dimanche soir, l'enlèvement mouvementé de l’ouvrier agricole Jean Baptiste Hombert.
La douane, qui exerçait une surveillance active, le manqua alors de peu sur les lieux de son travail.
Il était en relation avec Ernest Gorguet dit « Nénesse », actuellement écroué à Arras, à la suite de l’histoire d’Hermies. Ce Gorguet, fraudeur notoire, fut mêlé, en 1934, à Masnières, à une affaire de wagon truqué dissimulant du tabac belge et que la douane de Jeumont découvrit.
Comme on le voit, c’est à de vieilles connaissances que les douaniers ont affaire.
Chef de bande et figurant comme tel au bulletin de recherches criminelles, avec le surnom de « La Patte ». Jean Baptiste Touchard, malgré ses 53 ans, avait reformé une équipe et déployait depuis quelque temps une nouvelle activité.
Cinq hommes et une jeune femme participèrent à l’enlèvement d’Hombert.
Deux sont sous les verrous : Gorguet et Touchard. Il reste à découvrir trois individus et la femme qui les accompagnait.
Bien que le cercle des recherches ne doive pas dépasser, semble-t-il, le département de la Somme, dans sa partie qui touche au Pas-de-Calais et à la région de Cambrai, l’enquête s’avère très difficile.
Touchard, qui éludait toutes les questions, même les plus anodines en apparence, a déclaré qu’il parlerait devant le Juge d’instruction d’Arras.
Il sera transféré incessamment.
Tiendra-t-il sa promesse ?

 

Une nouvelle arrestation dans l'affaire des gangsters d’Hermies
Début janvier 1939, l'inspecteur Plé, de la deuxième brigade mobile de Lille, poursuivant son enquête sur l’affaire des gangsters d’Hermies, hameau de Demicourt, a appréhendé un complice, Désiré Lupart, cinquante-trois ans, vacher à Epehy (Somme), qui séquestra, dans la nuit du 11 au 12 décembre, le journalier Jean-Baptiste Hombert, qui fut dépouillé, comme on le sait, d’une somme de 24.000 francs.
Transféré à Arras, Lupart a été écroué, rejoignant ainsi Jean-Baptiste Touchard, de Cambrai ; Gorguet, dit « Nénesse », de Guyencourt-Saulcourt, et sa fille.
Des renseignements recueillis par l’excellent policier, il résulte qu’il s’agit, en effet, d’un règlement de comptes relatif à une livraison de deux mille kilos de tabac belge à Hombert, surnommé « Louis XVI », ou « le Baron », qui ne payant pas la somme de 80.000 convenue, fut l’objet de l'expédition que l’on sait.
Trois individus, qui sont maintenant identifiés, y prirent également part.
Leur arrestation ne saurait tarder.

  

Cour d’appel de Douai en juillet 1939
Les faits sont rapportés devant la cour d’appel :
Jean-Baptiste Hombert, ouvrier agricole à Hermies, avait avisé la gendarmerie de Bertincourt que dans la nuit du 11 au 12 décembre 1938, il avait été victime d’un enlèvement à main armée, de la part d’un Cambrésien, Jean-Baptiste Touchart, et d’un certain nombre d’individus qui l’accompagnaient.
« Je me suis défendu, ajouta le plaignant, en déchargeant à trois reprises mon fusil, ce qui n’empêcha point la bande de pénétrer chez moi, en brisant une fenêtre et d’emporter mes économies : 24.000 francs. »
Hombert exposa ensuite que, les yeux bandés et ligoté, il avait été jeté dans une automobile qui le conduisit dans une ferme de la Somme, chez un nommé « Nénesse », dans la cave duquel il aurait été séquestré pendant trente-six heures, jusqu’au moment où son frère « Louis XVI », ainsi nommé parce qu’il était le seizième enfant de leur famille, vint le délivrer.
La plainte amena l’ouverture d’une enquête qui permit d’établir que les faits présentés par Hombert avaient été grossis et qu’il s’agissait, en fait d’une affaire de fraude, doublée d’un règlement de comptes entre contrebandiers.
Touchart n’était autre que l’agent français d’un exportateur belge de tabac, Gauthier, dont les produits étaient écoulés en France par les frères Hombert.
Ceux-ci niaient avoir reçu un dernier envoi de 2.000 kilos de marchandises qui leur aurait été adressé dans un camion de paille, et Hombert avait signé une lettre par laquelle il avouait avoir volé une somme de 80.000 francs à Touchard.
C’est pour récupérer cette somme que Touchard et sa bande auraient fait irruption chez lui.
Mais le signataire ajoutait que la griffe lui avait été extorquée.
Les juges d’Arras acquittèrent du chef de violences volontaires sur la personne de Jean Baptiste Hombert : Touchard, Gorguet, Gauthier, Martiniau et Matton.
Par contre, pour contrebande, ils prononcèrent les condamnations suivantes :
Jean Baptiste et Louis XVI Hombert, deux ans de prison ; Gauthier et Matton, trois ans par défaut ; Touchard, quinze mois ; Martiniau, un an ; Gorguet, huit mois ; Boufflers, huit mois.

Solidairement, ils écopèrent d’une amende de 370 000 francs.
Hombert, devant la Cour persiste dans les déclarations qu'il fit aux gendarmes et nie avoir reçu 2.000 kilos de tabac belge ; sa déclaration est approuvée par son frère. Touchard a sauvé son « honneur de contrebandier » en se rendant chez Hombert, pour récupérer la somme volée qui appartenait à M. Gauthier. La visite nocturne se fit sans violences et les titres furent pris en gage.
Martiniau et Gorguet affirment également qu’aucune violence ne fut commise.
On entend les plaidoiries de Mes Dhôtel et Phalempin, pour Hombert ; de Me Duquesnoy, pour Gorguet ; de Me Lefebvre, pour Martiniau, de Me Dufour, pour Touchard de Me Bordenave, pour Boufflers.
M. l’avocat-général Dejean de la Batie occupait le siège du ministère public.
Réformant le jugement du tribunal correctionnel d’Arras, la Cour a décidé de retenir l’accusation de violences sur la personne des époux Jean-Baptiste Hombert à l’encontre des prévenus Touchard, Martiniau, Alphonse Gorguet et Gauthier ; compte tenu de ce fait et du rôle joué par chacun des prévenus que la Cour apprécie différemment, les peines ci-dessous sont finalement prononcées :
Gauthier et Matton, 3 ans de prison ; Jean-Baptiste Hombert, 15 mois ; Louis Hombert, 1 an ; Martiniau, 8 mois ; Touchard, 15 mois ; Gorguet, 6 mois ; Boufflers 5 mois avec sursis.
Les amendes au profit de l’Administration des Douanes sont intégralement maintenues.

 

Source : Journal Grand Echo du Nord de la France

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Ernest Gorguet a continué à nier toute la nuit à la gendarmerie de Bertincourt, et il nia encore devant M. Deswarte, le juge d’instruction du Parquet d’Arras où il était hier matin.Avec le même air réservé et soucieux, il répondit par monosyllabes aux questions du juge, niant malgré toutes les charges relevées contre lui.
« Oui, ce jour-là, j’ai été à Masnières avec ma fille. Mais je suis rentré le soir même et je ne suis pas ressorti ».
Il s’agissait, d’ailleurs, d’un interrogatoire d’identité qui ne fut pas poussé à fond.Ernest Gorguet, qui connaît la loi, déclara qu’il ne répondrait plus qu’en présence de son avocat. Il est ensuite conduit, pour plus amples explications, au Parquet d’Arras.

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Gardé étroitement à vue au poste de police, J.-B. Touchard, qui avait repris
toute son assurance de fraudeur endurci et semblait prendre avec philosophie son arrestation due à la collaboration de la police et de la douane, fut conduit, en fin d’après-midi, au Parquet qui suivait l’affaire avec l’intérêt que l’on devine. Introduit devant M. Gailly, juge d’instruction, Touchard devait sortir du cabinet du magistrat pour être dirigé vers la maison d’arrêt de Cambrai, qu’il a déjà eu l’occasion de connaître pour contrebande de tabac.

A la mi-décembre, Jean-Baptiste Touchard, est écroué à Cambrai, avant d’être transféré à Arras. Après que M. Gillet, commissaire de police à Cambrai, eut notifié à Jean-Baptiste Touchard le mandat d’arrêt envoyé télégraphiquement par le Parquet d'Arras, et que M. LeCat, substitut du Procureur de la République, au cours de l’interrogatoire qu'il fit subir à Touchard lui eut signifié qu’il était inculpé de vol et d’agression nocturne à domicile le célèbre fraudeur cambrésien fut écroué.

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