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ENTRE DEUX GUERRES

Hermies, ou plus exactement Hermies-le-Grand, était avant, la guerre une importante commune de 600 feux et de 2.500 âmes. Situé à peu près à égale distance de Bapaume et de Cambrai, sur la lisière de quatre départements, il était la plus forte et la plus riche agglomération du canton de Bertincourt. Ses habitants actifs et débrouillards, se livraient à la culture, à l’industrie du bouton, du mouchoir et des tissus, ainsi qu’aux travaux du Canal du Nord. Hermies, avec sa grande église, son nouvel Hôtel des Postes, ses fabriques, ses maisons de commerce, ses écoles et ses jolies maisons, groupées autour d’une grande place, sous une magnifique frondaison de platanes, de marronniers et de tilleuls, donnait l'impression d’un bourg cossu et prospère, où il faisait bon de s’arrêter, où il faisait meilleur de vivre.
Tout, cela a disparu. La première guerre mondiale ne laisse partout que des ruines et désolation.

Mais la guerre semble avoir voulu accumuler dans ce site enchanteur de l’Artois les plus étranges curiosités, et les plus consolants spectacles.
C’est là qu’on voit, de l’avis des experts, les plus vastes entonnoirs du front. Sur la Grand’Place il y a un gouffre de 20 mètres de profondeur et de 55 mètres de diamètre. Un peu plus loin, la jolie église, construite en briques avec un clocher protégé par une couverture pointue à 6 pans en ardoise, s’est évanouie dans un entonnoir du même genre. A quelques mètres de là, tout un quartier du village a disparu dans un troisième cratère. Il reste à l'intérieur du village des galeries souterraines, creusées dans la marne à 25 mètres de profondeur.
C’est là que tour à tour, Allemands et Anglais se sont abrités. On retrouve de vastes chambres garnies de lits et de ces innombrables objets que laissent derrière elle, des armées qui séjournent plusieurs années dans le même endroit. On peut explorer tout à son aise une escadrille de tanks, encore prêts à la manœuvre, des batteries restées en position de combat, des tranchées et des abris remplis de munitions et d’engins de guerre de toute sorte. Sur le Canal du Nord se trouvait un gigantesque pont de granit. Les ennemis l’ont fait sauter. Mais en quelques heures les Anglais ont jeté sur l’abîme un pont de bois qui est une merveille de solidité et d’élégance, curieusement camouflée. Le cimetière a servi de cité aux vivants. Les boches ont descellé les pierres tombales, et là, dans la pourriture humaine, ils se sont blottis : ils y ont mangé, ils y ont dormi, ils y ont fait le coup de feu...
Puis au sein des lilas et des églantiers en fleurs, c’est le village qui surgit de ses ruines : cabanes en planches, maisonnettes d’argile, tranchées ou citernes chapeautées de tôles cintrées, toute une végétation d’abris semi-provisoires, où les hommes avec des planches non rabotées, improvisent un mobilier d'infortune, où les femmes et les jeunes filles font luire à la bonne place une batterie de cuisine glanée dans les tranchées, et dans des douilles, brillantes comme de l’or, disposent gracieusement des gerbes de fleurs cueillies dans les décombres, où les enfants coiffés de casques anglais, jouent avec de vrais fusils et de vrais sabres...
Tout ce monde-là respire la santé, force et la joie. Les champs se labourent. Les jardins depuis longtemps, comme des oasis dans le désert, étalent au milieu des ruines, leurs verdoyants petits parcs de primeurs.

 

En août 1919, le curé d’Hermies revient dans sa paroisse. Voici le récit qu’il fit de cette visite :
Je viens de visiter, écrit M. le curé d’Hermies, ou plus exactement de chercher ma paroisse, de chercher son emplacement au milieu des ruines, de chercher ses habitants à travers tout un diocèse. Et tout naturellement je songe à Hermies. Hermies-le-Grand !
Je revois l’église et son haut clocher. J’entends le carillon de ses cloches qui donne le signal des fêtes ou annonce les grands deuils. Je revois la foule des fidèles qui se pressent dans le sanctuaire aux offices du dimanche, la cohue aimée des enfants qui s’écrasent à la porte du patronage aux soirs des réunions... Je circule à travers les ruelles, toutes bourdonnantes du bruit de la navette des métiers à tisser, je rencontre les robustes travailleurs de la terre, dont les outils luisent de la lumière de l’aurore à celle du crépuscule, je jette un mot, à la volée, aux jeunes et alertes ouvriers de l'usine aux boutons, j’admire les travaux en voie d’exécution : hôtel des postes, gendarmerie, villas, canal, port... et à l’horizon, la magnifique frondaison de la forêt d’Havrincourt.
L’auto-camion dans lequel nous circulons, ce véhicule qui vous remplit les poumons de benzine, et les oreilles du bruit de la ferraille et des bidons qui s’entrechoquent, qui secoue et disloque tous vos membres, fait un arrêt brusque !
Adieu église et clocher, maisons neuves et beaux arbres !
J’ai sous les yeux la vision d’un enfer refroidi : maisons en miettes, arbres calcinés, débris de tanks et de caissons, grêle d’obus et.de grenades, pour voir l'église, il a fallu me pencher : elle s’est évanouie dans les « Muches » que les Allemands ont fait sauter. Au milieu de ses décombres noircies, les êtres qu’on rencontre ressemblent assez à des diables démobilisés : Chinois, au repos, dont la boursouflure des paupières laisse filtrer la lueur narquoise des yeux, prisonniers allemands...

L'un de ceux-ci vient à moi et me demande :

« — Monsieur le Curé, pensez-vous que nous retournerons bientôt en Allemagne ?

— Pas avant que nos villages ne soient debout. »

Et du point culminant où je me trouve, du geste, je montre les villages si coquets autrefois, et maintenant en poussière : Vélu, Bertincourt, Ruyaulcourt, Metz-en-Couture, Havrincourt. L’Allemand baisse la tête tristement et s’en va sans proférer une parole.

Au sein de toute cette désolation, par-dessus les éboulis des maisons, par-dessus les champs vérolés de trous d’obus et étoilés d’une multitude de petites croix blanches qui marquent la tombe des soldats morts, émerge, droit et inviolé, le riche calvaire, planté par un de nos vénérés prédécesseurs. C'est près de ce calvaire que je dirai ma première messe de retour.
J’ai visité mes paroissiens, et me suis assis à la table des évacués. Ce n’était point nécessaire pour connaître le menu : lard d’Amérique, riz, rutabaga et autres friandises de carême, dont notre palais et notre estomac s'accommodent très bien maintenant après quatre années d’entraînement.
Vous croyez peut-être que tous ces réfugiés, dont le sort doit vous paraître lamentable, assaisonnent leurs maigres repas de lamentations et de jérémiades. Habitués à la souffrance et aux privations, ils plaisantent, ils rient, et surtout ils font des projets d’avenir. Il y a chez eux une âpre volonté de revivre, de se recréer un foyer, de se remettre au travail, et de ravoir une église à eux.
« — Monsieur le Curé, me dit une brave femme, voici 100 francs. Cela vous aidera à acheter pour notre nouvelle église, une statue de la Sainte Vierge. »
« — Monsieur le Curé, me dit un autre, dans mes trente kilos de bagage, au moment de l’évacuation, j’ai mis le ciboire, le calice et l’ostensoir dont vous vous serviez à la chapelle de Demicourt. Vous pourrez encore nous dire la messe. »
Un cultivateur qui revient de faire son tour au pays, me dit tout joyeux :

« — Ma ferme a disparu, mais j’ai retrouvé la croix et le christ du calvaire que l’invasion nous a empêché d’inaugurer. Il faudra commencer la construction de notre village par la plantation de ce calvaire.

— Entendu. Ce sera le calvaire des rescapés. »
Un autre, ouvrier de la première heure, qui déjà campe bravement au milieu des ruines, m’annonce qu’on ne peut vivre ainsi comme des chiens :
« — Si vous voulez, me dit-il, il y a encore dans votre fournil deux ou trois chicots de muraille. Avec quelques madriers et la tôle ondulée des tranchées, on vous fera un petit quelque chose en attendant. »
Et voilà comment, dans quelques jours, j’aurai le bonheur d’avoir à ma disposition une avenante bicoque à dos d’éléphant, qui me permettra d’assurer le service religieux à ces Robinson Crusoé, qui, dans leur village dévasté, viennent faire refleurir l’espérance et le courage, à l’ombre bénissante d’un calvaire vénéré, sous les premiers rayons d'un soleil plein de promesses.

 

 

 

 

 

 

 

 

Alors que tout le monde se lamente et sollicite des concours qui ne viennent pas, 300 Robinsons à Hermies veulent à eux seuls résoudre le problème de la reconstitution de leur village. Avec une vaillance qui se suffit à elle-même, avec une ténacité et un entrain qui tiennent du prodige, malgré des difficultés sans nombre et sans nom, ils ressuscitent une commune qu’on croyait morte à jamais.
Un de ces braves ouvriers de première heure déclare :

On nous appelle des Fournions (mot patois qui veut dire fourmis), Les Boches ont mis quatre ans à piétiner notre fourmilière. Nous userons toute notre vie, s’il le faut, pour reconstruire notre fourmilière, mais elle revivra ! !


Il faut tout rebâtir. On commence par construire une école lacustre, en bois, près de l'abreuvoir ainsi qu'une chapelle provisoire, puis des abris en tôles ou en bois.

Parmi les travaux prioritaires une installation précaire pour la cloche du village, meilleur moyen pour alerter la population d'un danger imminent tel qu’un incendie, mais aussi pour rassembler la population en urgence.
La guerre terminée, tous se mettent à reconstruire le village. La briqueterie à four continu Delbart-Gricourt tourne à plein régime.

L’architecte en chef du département du Pas de Calais, Paul DECAUX associé à l’architecte Edouard Crevel de Paris reconstruisent de nombreux villages du département et notamment Hermies entre 1924 et 1932 et son église Notre Dame.

Les entreprises en bâtiments Graveron et Allari (associées) sont venues après la guerre 14-18 pour la reconstruction d'Hermies avec leurs personnels et leurs architectes.

Une à une les maisons sortent de terre, les hôtels, la mairie, l'église. Hermies renaît de ses cendres, elle revit déjà, et déjà elle provoque la sympathique admiration de ceux qui passent... mais qui se souviennent.

 

  

 

Source : Bulletin des réfugiés du Pas de Calais du Dimanche 25 mai 1919
              Bulletin Paroissial de la Cathédrale de Laval d’août 1919

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La première guerre mondiale ne laisse partout que des ruines et désolation. La guerre terminée, tous se mettent à reconstruire le village.

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On commence par construire une école lacustre, en bois, près de l'abreuvoir

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On construit également une chapelle provisoire, 

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puis des abris en tôles ou en bois.

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Malgré le désastre qui s'est abatu sur le village, la vie continue et les enfants trouvent sur le champ de bataille un espace de jeux 

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L'hôtel est reconstruit provisoirement de bric et de broc.

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Installation précaire pour la cloche du village, le moyen pour alerter la population d'un danger imminent  mais aussi pour rassembler la population en urgence.

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Des lieux d'hébergement d'urgence sont bâtis pour vous accueillir les familles pour une durée provisoire.

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Des milliers de briques sortent de la briqueterie d'Hermies. Elles serviront à reconstruire une à une chaque maison détruite par la guerre.

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La briqueterie à four continu Delbart-Gricourt tourne à plein régime.

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L’architecte en chef du département du Pas de Calais, Paul DECAUX associé à l’architecte Edouard Crevel de Paris reconstruisent de nombreux villages du département et notamment Hermies entre 1924 et 1932, son église et le monument aux morts. Ici les maisons de Paul Broyer et Guislaine Manguette. 

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Reconstruction de la maison Cellé Carbonnelle, une épicerie.
Ils sont également l'éditeur de la plus part des cartes postales de cette époque.

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La maison Pierre Chatelain sise rue d'Havrincourt

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Le tissage Pradoura

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